Le 4 décembre 2018, nous avons eu la chance d’accueillir Dennis Keefe, professeur d’université américain et rédacteur de livres pédagogiques, à Toulouse. Il a fait une conférence à l’Astronef sur le thème de la diffusion de l’espéranto. En effet, le but de beaucoup d’associations ou même d’individus, est de propager cette langue aux multiples idéaux. La problématique donc de cette conférence est de comprendre de quelle manière nous pouvons faire connaître l’espéranto aux autres, car, d’après Dennis Keefe, il y a pleins d’idées, souvent bonnes, mais ceux qui ont ces idées ne comprennent généralement pas toute la problématique. Souvent, ces gens-là, ne se posent pas la question de comment utiliser leur énergie, leur argent à bon escient, de manière donc à faire avancer l’espéranto.
Au cours de cette conférence, Dennis Keefe nous a posé les bonnes questions : qui sont les espérantistes ? Comment on le devient et aider les autres à le devenir ? Pourquoi, comment apprendre la langue ? Comment, pourquoi l’utiliser ? Et à quel moment on peut se dire « je suis espérantiste » ?
Afin de répondre à toutes ces questions, Dennis Keefe a retenu 7 étapes :
La première est : « ekkono », « connaissance ». Si oui ou non, votre interlocuteur a entendu parler de l’espéranto. Pour lui, cette étape est très importante, car rien qu’avec la question « as-tu déjà entendu parler de l’espéranto ? », on transmet une information à ceux qui ne connaissaient pas l’existence de la langue.
La deuxième étape est « volo », « la volonté », le désir d’apprendre la langue. Car personne ne peut apprendre s’il n’en a pas envie. Dans cette étape, Dennis Keefe nous a dit comment transformer un « non, je n’ai pas envie », à « oui, je veux apprendre l’espéranto ».
La troisième étape et peut-être la plus problématique de toute : « baroj », les barrières. Pourquoi est-ce que j’ai envie d’apprendre l’espéranto, mais je ne le fais pas ?
La quatrième étape, « lernado », l’apprentissage, une étape dont Dennis Keefe aura choisi de ne pas traiter, mais cela reste une étape.
La cinquième étape est « baroj », encore les barrières. On a appris la langue, on veut l’utiliser, mais on ne sait pas trop comment ni pourquoi.
La sixième étape, « uzo », l’utilisation, et la septième, « vivo », vivre la langue dans la vie de tous les jours.
Commençons donc par la première étape, « ekkono », « connaître ». Il existe deux groupes de personnes : ceux qui ont entendu parler de l’espéranto, et ceux qui n’en ont pas entendu parler. Afin de mieux illustrer ses propos, Dennis Keefe a fait un tour de table pour nous demander à tous comment avons nous pris connaissance de l’espéranto. Nous avons tous eu des réponses très différentes : pour ma part, c’était dans le film Captain Fantastic que j’en avais entendu parler, d’autres ont lu le mot « espéranto » dans un livre, dans un dictionnaire, certains par des amis, et enfin d’autres, en cherchant une langue simple à apprendre, sont tombés sur l’espéranto. Généralement, ceux qui s’intéressent à cette découverte vont sur Internet pour en savoir davantage. Par le biais de nos réponses diverses, Dennis Keefe a pu nous faire comprendre qu’il n’y a pas de méthode miracle pour faire connaître l’espéranto. Cependant, nous pouvons faire connaître la langue internationale à travers les différents médias : livres, journal, affiches, films, etc, pour faire parvenir l’espéranto au plus grand nombre. A nous donc de nous creuser la tête pour trouver les différentes manières de mettre le mot « espéranto » dans le plus de médias possibles.
Selon les pays, la part de personnes connaissant l’espéranto peut supplanter celle qui ne connait pas l’espéranto, ou inversement. Avant de nous lancer donc dans des stratégies abracadabrantes pour faire découvrir l’espéranto et ainsi, gaspiller notre énergie, il est d’abord important d’analyser son environnement.
Passons à la deuxième étape, « volo », « volonté ». Quelqu’un a entendu parler de l’espéranto, et maintenant, ce quelqu’un s’y intéresse plus ou moins activement, par exemple : il a entendu dire qu’il y a des gens avec qui il va pouvoir parler la langue, que la langue a été créée par un certain Zamenhof, etc. Ceci est le premier pas pour créer un désir, une volonté d’apprendre la langue. Ce processus de « volonté » est complexe, et parfois, très long suivant les personnes, car chacun a son intérêt pour la langue : l’idée d’égalité, la communauté, la facilité d’apprentissage, le moyen de voyager etc. Autant d’idées dans l’espéranto qu’il y a d’espérantistes, finalement. Cependant, s’intéresser à la langue ne suffit pas aux gens pour s’activer à apprendre l’espéranto. On parle ici de A I D A.
A pour Awereness, « ekkono », la « connaissance »
I pour Intereso. Nous venons d’en parler, c’est le fait de commencer à s’intéresser à la langue et ce qui s’en dégage.
D pour Deziro, le désir, le plus important finalement, parce que là où il y a un désir, il y a une volonté d’agir, donc A pour Agado, l’action, la quatrième lettre.
Les 4 lettres de A I D A sont finalement 4 pas, 4 étapes pour aller de 0% d’intérêt à apprendre la langue à 100% d’intérêt. Cette motivation vous pousse donc à apprendre l’espéranto. Une fois encore, Dennis Keefe a fait un tour de table pour nous demander quel a été le déclic pour qu’on apprenne la langue. Les réponses variaient : soit par conviction politique, soit par amour des langues, soit comme moyen de voyager et de rencontrer d’autres personnes d’autres pays etc.
Dennis Keefe souligne la différence entre l’espéranto et une autre langue connue comme l’anglais : l’espéranto, personne ne t’oblige à l’apprendre, puisque la langue n’est pas enseignée à l’école. Donc, l’individu doit lui-même faire l’effort d’apprendre l’espéranto, d’avoir la volonté de l’apprendre. Il énumère 3 genres de personnes qui viennent en cours de manière générale :
– ceux qui ont des objectifs, et encore une fois, les objectifs varient énormément entre les personnes
– ceux qui viennent pour se sociabiliser, pas vraiment pour apprendre, mais plutôt pour être avec d’autres gens. Donc, les cours avec peu de monde ne vont généralement pas les intéresser.
– et ceux qui viennent juste pour le plaisir d’apprendre quelque chose, parce qu’ils en ont envie, mais peu importe finalement ce qu’ils apprennent.
L’idée derrière le fait d’énumérer ces trois groupes est de nous faire comprendre les motivations de chacun, et ainsi, nous donner une meilleure idée de comment donner envie aux non-espérantistes de devenir espérantistes.
Pour la troisième étape, « baroj », les barrières, Dennis Keefe va prendre en exemple le discours de Patricia Cross, qui reconnait quatre barrières majeures de pourquoi nous n’apprenons pas, malgré notre volonté.
Tout d’abord : la localisation. On peut ne pas venir aux cours à cause de la distance. En effet, le mieux sera toujours de proposer un cours accessible à tous, au moins par le métro, les transports en commun, ou même en centre-ville. Le problème là-dedans est qu’évidemment, ça coûte plus cher de louer une salle de cours en centre-ville qu’en banlieue. Il faut alors faire des concessions. Dennis Keefe nous a raconté une anecdote : l’un des cours espérantistes qui a le mieux marché se situait à Séoul en Corée dans une petite pièce, au 7ème étage d’un immeuble dépourvu d’ascenseur. Afin de rendre les cours accessibles à tous sans que cela ne coûte un bras, il convient de faire des petites concessions, par exemple sur le bâtiment même où le cours se déroulera ou le confort et j’en passe.
La deuxième barrière comprend ce qu’on est prêt à fournir comme temps, comme argent, comme énergie, à mettre dans les cours qu’on projette de donner. Il faut également prendre en compte ce que les élèves sont prêts à fournir. Il est aussi important de faire attention à qui s’adresse les cours précisément. Par exemple, en France, entre 15 et 18 ans, les jeunes ont le temps de venir à des cours particuliers, à l’inverse de la Chine, où les jeunes à cet âge-là sont bien trop occupés avec de gros examens à venir. Encore une fois, analyser son environnement avant de se lancer dans de gros projets est très important.
Vient ensuite la barrière des institutions. Tout d’abord, « la informo », l’information : Il est primordial de bien faire savoir à son environnement que l’on donne des cours, où ça, quand ça, leur coût etc. Puis, « la bezono », le besoin : dans sa méthodologie, éviter que les nouveaux arrivants se sentent déjà perdus dès le commencement du cours. Et finalement, la procédure, qui doit être simple. Cela ne sert à rien de donner aux élèves un formulaire avec 40 questions inutiles et qui fera fuir ceux qui voulaient juste participer aux cours. Le formulaire doit être simple, précis, direct, ciblé.
Et enfin, la dernière barrières : le social. Certaines personnes veulent apprendre, mais ne sont pas prêtes à faire les mêmes choses que les autres, par exemple, parler devant tout le monde. C’est là qu’il faut être un « bon professeur », prendre le cas de chacun et la main de chacun afin de mettre tout le monde à l’aise.
Comme j’ai annoncé précédemment, Dennis Keefe a préféré ne pas trop s’étendre sur les méthodes d’apprentissage, car ce n’était pas le sujet. Mais vous pouvez vous faire une idée de quelques méthodes dans le point précédent qui dit devoir prendre le cas de chacun pour faire un bon cours accessible à tous.
Vient ensuite la cinquième étape, qui n’est d’autre que baroj, les barrières, encore. Mais cette fois-ci, des barrières en rapport avec l’utilisation de la langue, par exemple, si un élève souhaite se rendre à un universala kongreso « congrès universel » mais manque de temps, d’argent pour le voyage, ou le processus d’inscription est trop compliqué et pas assez bien organisé, etc. A vous de rendre tout ça le plus accessible possible encore une fois, afin que la volonté de vos élèves ne flanche pas.
L’avant dernière étape s’intitule « uzo », l’utilisation. Beaucoup de personnes qui s’intéressent à l’espéranto se disent que, finalement, il n’y a pas grand intérêt à apprendre la langue puisqu’on ne va jamais s’en servir. C’est là que vous intervenez pour énumérer tout ce qu’il y a à faire avec l’espéranto, même des trucs évidents pour vous mais auxquels personne ne pense. On peut voyager grâce au Pasporta servo et ainsi, rencontrer de nouvelles personnes avec qui on va pouvoir parler la langue, on peut écrire des livres, des articles, acheter et lire des livres espérantophones, regarder la communauté espérantiste sur Youtube ou des films, écouter de la musique, faire partie d’une association, etc. Autant de choses qu’on peut faire avec n’importe quelle langue mais aussi en espéranto.
Et enfin, la dernière étape : « vivo », la vie, vivre l’espéranto. C’est finalement une philosophie, car on peut apprendre une langue sans l’utiliser dans le quotidien. Comment utiliser l’espéranto dans la vie de tous les jours ? En créant des évènements, y aller, parler dans la vie de tous les jours, travailler en espéranto.