Stefan Zweig est né en 1881 à Vienne, dans l’Autriche-Hongrie d’alors. Il s’est fait connaître comme l’écrivain de langue allemande le plus brillant de la première moitié du vingtième siècle. Ayant obtenu sa matura il fit de nombreux voyages en Europe mais aussi vers l’Inde et l’Amérique du Nord. Il obtient son doctorat en philosophie en 1904. Il a appelé cette époque ses « Wanderjahre », ses années d’errance. C’est alors qu’il a rencontré de nombreuses personnalités éminentes surtout des écrivains, des artistes, des éditeurs dans les milieux intellectuels dans différents pays dont le poète belge Émile Verhaeren, l’écrivain français Romain Rolland, Maxime Gorki, Salvador Dalí, James Joyce.
Lorsque la Première Guerre Mondiale éclate, après avoir brièvement soutenu les puissances germaniques (Allemagne et Autriche), il se rallie rapidement au pacifisme de son ami Romain Rolland avec lequel il a abondamment correspondu pendant des décennies. A partir de ce moment et jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale il a défendu un humanisme supranational. Dans un certain sens avec Romain Rolland il est un précurseur de l’idée d’union européenne au moins sur le plan culturel.
Zweig a publié de la poésie dans ses jeunes années. Son premier recueil « Silberne Saiten » (Cordes d’argent) a paru en 1900. Admirateur de personnalités qu’il considérait, il est l’auteur de nombreuses biographies: Balzac, Dickens, Dostojevskij, Verlaine, Romain Rolland, Émile Verhaeren, Freud, Marie-Antoinette, Mary Stuart, Casanova, Stendhal, Tolstoï, Magellan, Érasme, Montaigne, etc. A travers ces biographies Zweig s’est un peu dévoilé, en choisissant des célébrités dans les caractéristiques desquels il se reconnaissait, en particulier lorsqu’il s’agit d’Érasme, qui, comme lui-même, dans un époque troublée, a choisi de ne pas s’engager mais a pris le parti de rester un homme en-dehors de la mêlée.
Zweig a rencontré le succès avec ses nouvelles, genre dans lequel il excellait. D’ailleurs il n’a produit que trois romans dont un seul a paru de son vivant, les deux autres ayant été publiés à titre posthume. La première nouvelle qui l’a rendu célèbre est « Amok » qui a paru en 1920. Il en a écrit plusieurs dizaines, qui ont rencontré un grand succès dans les pays de langue allemande et ont été traduits dans de nombreuses langues. Certaines d’entre elles ont été adaptées au cinéma, et même certaines plusieurs fois.
A part des biographies et des nouvelles Zweig a écrit plusieurs pièces de théâtre qui ont connu un succès public, un livret d’opéra : Die schweigsame Frau (la femme silencieuse) pour Richard Strauss . Il a eu une correspondance abondante avec diverses personnalités (Romain Rolland, Freud, Verhaeren, Schnitzler, Richard Strauss, et d’autres) dont certaines ont été publiées. Il a signé des préfaces pour l’édition d’œuvres et des articles pour différents périodiques. Il a aussi traduit du français (Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Verhaeren), de l’anglais (John Keats) et de l’italien (Pirandello) vers l’allemand.
Zweig est né dans une famille d’origine juive et bien qu’il n’ait jamais mis en avant son appartenance au peuple juif, il a subi la persécution du régime nazi à partir de 1933. Ses livres ont été brulés. Les nazis ont interdit la publication de ses œuvres. Zweig a perdu à ce moment l’accès à une grande partie de son public. Et peu après l’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne, l’Autriche a rapidement ressenti une menace grandissante. Zweig s’exila à Londres en 1934 et demanda la nationalité britannique qu’il ne finit par obtenir qu’en 1940. Après l’Anschluss en 1938 Zweig devint apatride: la nationalité autrichienne n’existait plus et Zweig ne reçut pas la nationalité allemande. En Angleterre il était considéré comme « Enemy Alien » (« ennemi étranger»). Dans les années 30 il s’était rendu plusieurs fois pour des tournées de conférence aux États-Unis et en Amérique du Sud où il a été chaleureusement reçu. En conséquence il décida de quitter l’Angleterre où il ne sentait pas bienvenu et définitivement l’Europe dont il a dit dans sa lettre d’adieu : « ma patrie d’esprit l’Europe s’est détruite ».
Zweig résida brièvement à Nouillorque où il est mal perçu à cause de sa germanité. Ayant voyagé en Amérique du Sud où il avait été bien reçu, il s’établit à Petrópolis une petite ville au nord de Rio au Brésil, la ville de villégiature de Pierre II qui fut empereur du Brésil. C’est ici qu’il écrivit deux œuvres remarquables, son testament spirituel : « Die Welt von Gestern » (Le monde d’hier, souvenirs d’un Européen), une quasi autobiographie où il décrit le monde dans lequel il vécut et « Schachnovelle » (Le joueur d’échec) nouvelle dans laquelle il met en scène l’affrontement de la stupidité brutale avec la délicatesse raffinée, image de la confrontation des dictatures fascistes avec la culture humaniste. Ces deux œuvres ne paraîtront qu’après sa mort.
En 1942, ayant appris la défaite de la Grande-Bretagne à Singapour et alors que le pouvoir nazi s’était emparé de la quasi totalité de l’Europe, désespérant de l’avenir du monde, il se suicida, après avoir soigneusement mis en ordre ses affaires et expédié son dernier manuscrit à son éditeur suédois. Il laissa une lettre d’adieu dans laquelle il remercie le Brésil pour son hospitalité, et exprimant son découragement il salue ses amis en leur souhaitant de « voir l’aube après la longue nuit » ( Mögen sie die Morgenröte noch sehen nach der langen Nacht! ). Ces mots vor der Morgenröte (avant l’aube) est le titre du film de Maria Schrader qui narre les dernières années de la vie de Zweig en Amérique, intitulé « Stefan Zweig, Adieu à l’Europe » dans d’autres langues.