💀Méditations de novembre sur des morts dansants et ainsi de suite…

💚☠️ Un hommage au squelette de Zamenhof, qu’il danse en paix ☠️💚

Novembre est inauguré par tous les saints et par des haies d’honneur de fleurs en plastique envolées du cimetière. Le ciel est gris et vous verrez peut-être encore un squelette tardif d’Halloween danser dans le vent, comme animé d’une ferveur étrange et macabre. Dès lors, comment pourrais-je ne pas penser aux danses macabres ?

Il fut un temps où les morts n’attendaient pas tranquillement, les bras étendus, que leur corps sans vie soit occulté, de ce monde, par la terre ou la fumée, mais ils dansaient. Dansaient en grandes rondes, avec les vivants et les morts : les prêtres, les enfants, les mendiants et les rois, tous ensemble !

Ou du moins, c’est ce que nous voyons dans le thème des Danses Macabres. Il s’agit d’un motif artistique populaire dans le folklore européen qui s’est développé à la fin du Moyen Âge. C’est un élément de l’art macabre médiéval, du XIVe au XVIe siècle, et sans doute le plus complet.

Il existe légion de représentations de squelettes qui invitent les vivants à une (dernière) danse, mais la première danse macabre semble avoir été présentée à Paris en 1424, au Charnier des Saint-Innocents. Cependant, nombre de ces représentations ont été détruites ou perdues, et celle-ci aussi.

Mais aujourd’hui, nous parlerons plutôt un peu des fresques, en très bon état, de deux petites églises d’Istrie.
L’église de la Sainte Trinité, à Hrastovlje (Slovénie), peinte en 1490, par le maître croate Ivan iz Kastva (Jean de Kastav en français)
Et surtout de la fresque de l’église Sainte-Marie-des-Rochers de Škriline près de Beram, située dans la partie centrale de la péninsule d’Istrie, en Croatie.
Vincent iz Kastva* (ou Vincent de Kastav), peintre de fresques gothiques d’Istrie, a peint cette danse macabre en 1474. (Il est intéressant d’observer les différences dans la représentations des squelettes, en moins de trente années d’intervalle.)

(J’espère d’ailleurs avoir la chance de voir cette fresque quand je poursuivrai mon volontariat en Croatie, même si c’est en réalité à l’autre côté du pays…)

*Les deux peintres venaient de Kastav, une petite ville près de Rijeka, (Croatie) d’où le même nom, et outre ce même village, on ne sait pas vraiment grand chose sur eux.

Vincent iz Kastva, Danse macabre, fresque sur le mur ouest de l’église Sainte-Marie-des-Rochers, 1474 (Istrie) Photo : Centre des sciences et de la recherche, Koper

Dans cette fresque, la danse va de l’avant de gauche à droite, conduite par les squelettes, vers la tombe. Et parmi ces personnages nous pouvons reconnaître diverses figures : un chevalier, une dame, un enfant, le pape, un marchand… Et, bien sûr, ces représentations avaient souvent un but didactique : pointer la vanité des distinctions du rang social, de l’âge, du sexe et ainsi de suite, devant la mort. En effet, la mort promeut, et promet, l’Egalité, un peu comme Zamenhof, mais d’une manière différente… Il n’en est pas moins vrai que la mort, comme l’espéranto, est une affaire internationale, liée à aucune culture spécifique, neutre et « universelle ».

(Notez que la mort n’a pas une langue, car elle les comprend toutes, et que l’espéranto n’a pas un rituel funéraire, car il les inclut tous.)

Toutefois, nous n’avons pas encore été témoin de nombreuses épidémies d’espéranto… (quoi qu’il y ait eu des périodes d’explosion d’intérêt, et que comme une grippe, elle va de personne en personne, ou du moins c’est ce que nous essayons en faisant sa promotion : infecter plus de personnes par le beau virus de la communication égalitaire et internationale). Alors, avec un peu de mélancolie, je pense à ces fameuses épidémies de danse (pour rester sur le thème de la danse et des morts). Une vingtaine d’épisodes ont été rapportés entre le XIIIe et le XVIIe siècle, et celui de 1518 à Strasbourg est le mieux documenté. De nombreuses personnes ont dansé sans repos pendant plus d’un mois, certaines jusqu’à la mort. À ce jour, on ne sait toujours pas qu’est-ce qui a pu provoquer cette manie dansante. (Les hypothèses s’arrêtent notamment sur l’hystérie collective et l’empoisonnement des récoltes par l’ergot de seigle, champignon dont dérivera le LSD)

Gravure (anonyme ?) de la “peste dansante” de 1518

“La danse des squelettes”, Silly symphonies, Walt Disney, 1929 “Image de la mort”, Michael Wolgemut, La Chronique de Nuremberg, 1493

Je souris en me souvenant de la bambo-danse lors de ma première rencontre espérantiste, dont on m’a dit que c’était un peu comme une danse rituelle, et qu’il fallait l’expérimenter.

Je me demande, est-ce que les personnes, qui sont prises par la main squelettique, dans les danses macabres ressentent le même sentiment de cohésion et d’initiation ?

“Tu as entendu la musique ?! On peut certainement lancer une nouvelle épidémie là dessus !” (Ĉu vi volas danci?, (Tu veux danser ?) musique de JoMo Friponas!)


YENTL-ROSE

PS: L’espéranto n’est pas une secte…

PPS: Je m’excuse pour tout cela auprès du squelette de Zamenhof, j’espère qu’il ne se “retourne pas trop dans sa tombe”, ou dans sa danse.

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