Aujourd’hui, on a voulu apporter notre contribution à la Journée internationale de la langue maternelle qui a lieu tous les ans le 21 février. C’était l’occasion de parler des espérantophones natifs… Mais le sujet a été si vaste et si intéressant que cet article s’est trouvé plus conséquent que prévu ! Notamment beaucoup de sources à vous conseiller. Voyez-y une collection de ressources dans lesquelles picorer. Ĝuu!
À l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, célébrée chaque année le 21 février, l’Unesco réaffirme son engagement en faveur de la diversité linguistique et invite ses États membres à célébrer la journée dans autant de langues que possible, afin de rappeler que la diversité linguistique et le multilinguisme sont essentiels pour le développement durable. À ce titre, nous souhaitons rappeler la valeur de la langue internationale espéranto pour la diversité linguistique internationale.
L’initiative de célébrer une Journée internationale de la langue maternelle vient du Bangladesh. Elle a été approuvée à la Conférence générale de l’Unesco en 1999 et est observée dans le monde entier depuis 2000.
Son objectif principal est de souligner les avantages éducatifs de l’utilisation de la langue maternelle dans les écoles. Les enfants apprennent à lire et à écrire plus rapidement dans une langue qu’ils connaissent parfaitement. Ils subissent un désavantage s’ils doivent commencer leur apprentissage dans une langue qu’ils ne connaissent pas, partiellement ou complètement. D’où la nécessité de respecter ces langues maternelles, ne pas les confondre et les supplanter par les langues officielles ou majoritaires avec lesquelles elles cohabitent.
Cette journée nous rappelle également que dans de nombreuses régions du monde, des langues entières n’ont pas de statut officiel, leurs locuteurs sont victimes de discrimination et leurs valeurs culturelles sont négligées. Par exemple, le na, parlé dans les montagnes du Sichuan par les Tibétains, subit l’hégémonie du mandarin.
Si vous êtes curieux d’écouter ou de lire à quoi celle-ci ou d’autres langues rares ressemblent, le projet Pangloss du CNRS pourrait vous enchanter. Il s’agit d’une carte interactive recensant des documents écrits et audios collectés par des scientifiques. Présenté dans leur journal, vous pourrez notamment y écouter une chanson en na ou en conte en langue oubykh en guise d’exemple.
Comme vous le savez peut-être déjà, environ 2000 personnes dans le monde ont comme langue maternelle l’espéranto. D’autres langues possèdent peu de locuteurs natifs, tel que le rotokas parlée par environ 4320 personnes sur l’île de Bougainville, dans l’Est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Si on s’intéresse à des peuples autochtones, les chiffres peuvent baisser encore plus ! Le pirahã ne compte qu’entre 700 à 1000 locuteurs parmi les Pirahãs, vivant au Brésil au bord du fleuve Maici, un des affluents de l’Amazone.
Mais ne pas confondre peu de locuteurs et langue en danger ! Si l’un peut effectivement être un indicateur de l’autre, d’autres facteurs sont à prendre en compte. Notamment la pluralité des domaines où la langue est employée et son pourcentage de transmission. Voici un exemple d’un des nombreux tableaux évaluatifs qui permettent à l’Unesco et d’autres organismes de déterminer la mise en danger d’une langue :
Aujourd’hui, on recense 7 000 langues dans le monde mais une vingtaine seulement domine, parlées par 95% de la population. C’est le cas du Mandarin, l’espagnol, l’anglais, l’hindu, l’urdu, l’arabe, le bengali, le portugais, le russe et le japonais. À l’inverse, 6 500 langues ne sont partagées que par 5% de la population mondiale. Ces 6 500 sont essentiellement orales, d’où leur fragilité.
Esperanto-france.org nous informe sur les causes de leur potentielle disparition, et résume par le même temps le contenu des différents tableaux d’évaluation évoqués plus haut :
- la langue ne se transmet plus de génération en génération,
- les gens qui la parlent ne la valorisent pas,
- l’utilisation de la langue est réduite à quelques domaines d’activité (à la maison, aux champs),
- le gouvernement ou les institutions ne lui donnent pas de statut officiel et la méprisent,
- la documentation en cette langue est faible ou de mauvaise qualité,
- la langue s’adapte mal aux nouveaux domaines (ex. informatique) et médias,
- il n’y a pas (ou peu) de matériel d’enseignement ou d’apprentissage de cette langue,
- les taux de locuteurs dans la population globale est faible,
- il y a peu de locuteurs natifs.
Si ce n’est déjà fait, n’hésitez pas à voir la vidéo de Wikitongues où Stella, espérantiste de naissance, présente en très peu de temps l’impact et l’usage qu’il est possible d’avoir.
À ce propos, l’aspect neutre et équitable de l’espéranto est volontiers mis en avant, sans systématiquement présenter d’exemples concrets. Pour cela, il faut aller à la rencontre des locuteurs et recueillir leurs témoignages. Publié en 2016 à l’occasion de cette Journée internationale, l’article de RFI donnait la parole à plusieurs denaskuloj :
« […] [C]e sont des vacances avec ses parents en Tchécoslovaquie au début des années 1990 qui ont déclenché la passion de Lisa pour l’espéranto.
” C’était juste après la chute du mur de Berlin, se souvient-elle. Toute la partie Europe de l’Est était alors complètement inconnue.” Par hasard, elle rencontre alors trois jeunes filles espérantophones, “une de Hongrie, une de Slovaquie et une de Roumanie. Et là, d’un seul coup, j’ai pu discuter avec ces jeunes filles qui avaient le même âge que moi et je les comprenais, elles me comprenaient, c’était un peu magique ! ” »
En 2017, une autre denaskulo témoigne dans Néon Mag, expliquant qu’elle privilégie les avantages utilitaires de cette langue :
« L’espéranto m’a également aidée dans le cadre du travail. Par exemple, quand j’ai lancé une ONG au Vietnam, je me suis en premier lieu appuyée sur les réseaux de la langue. Pour me loger, pour recruter des stagiaires, etc… L’espéranto donne accès à une gigantesque communauté d’entraide. »
Pour l’une, maîtriser cette langue dès le plus jeune âge lui a permis de faire des rencontres hors du commun, dès l’enfance, dans un cadre politique où l’on cherchait – au sens littéral comme au figuré – à briser les frontières. Pour l’autre, cette maîtrise l’a amenée à s’en servir très naturellement pour monter un projet de vie, de la même manière qu’on utiliserait l’anglais pour étendre son réseau et trouver des opportunités.
Enfin, cette journée permet aussi de rappeler que tout apprentissage se nourrit, et que même notre langue maternelle n’est pas acquise. Il est tout à fait possible de la perdre ou de baisser de niveau, soit par manque de pratique, soit par une trop grosse influence d’autres langues apprises ! Notre cerveau est un muscle comme un autre, et l’expression « c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas » peut être trompeuse. J’en prend pour exemple ma mère, marocaine de naissance, en France depuis plus de 40 ans et qui peine aujourd’hui à retrouver son vocabulaire. Ce par une plus grande proximité avec la famille française de mon père, elle n’a que rarement l’occasion de pratiquer.
Avis aux polyglottes parmi vous, n’oubliez pas votre langue maternelle ! Pour tout le monde, ce dimanche est une belle occasion de découvrir des dialectes que vous ne soupçonnez pas.
SOURCES
Version interactive de l’Atlas des langues en danger de l’Unesco
Récent article FranceInter
Le site-projet Langues en danger pour les données des langues évoquées