Je me présente Jonathan Schneider, espérantiste depuis 2018 et volontaire au Centre Culturel d’Espéranto de Toulouse depuis 2020 et pour encore quelques semaines. Cet article synthétise l’un des sujet qui m’anime le plus dans mon soutien de l’espéranto : la question linguistique dans l’aéronautique. L’aviation est un sujet qui me passionne depuis maintenant 10 ans. Voir cette industrie progresser est un sujet passionnant pour moi. C’est ainsi que j’associe mes deux plus grands centres d’intérêts pour parler d’un sujet encore trop peu évoqué.
L’aéronautique s’est incontestablement uniformisée en suivant le modèle américain. Que ce soit dans les mesures impériales (pieds, nœuds et miles nautiques au lieu de mètres, kilomètres et km/h) mais aussi dans la communication. L’aéronautique s’est particulièrement adaptée pour un usage exclusivement anglophone.
Toutefois, son usage qui, officieusement, est devenu une norme, est loin d’être parfait. En effet, son usage est la cause de nombreux crashs aériens, dont le plus grave d’entre eux, celui de 1977 à Tenerife, dans les Îles Canaries.
Un Boeing 747 de la compagnie Pan Am circulait sur la piste sur laquelle elle venait d’atterrir et devait alors la quitter. La tour de contrôle lui demande de prendre la 3ème sortie, mais l’avion prendra la 1ère, menant à une violente collision avec un autre Boeing 747, provoquant ainsi la mort de 583 personnes.
Comment en sommes-nous arrivés là ? La tour de contrôle, indiquant la sortie à choisir, dit « the third one », malheureusement similaire à « the first one » en cas de mauvaise transmission. Ajoutons à cela un épais brouillard qui contribuera à ce fatal résultat.
Ce genre de situation est assez présent dans notre société. Il y a seulement quelques années encore, une touriste meurt d’un saut en élastique sans élastique, puisque l’animateur lui a dit « no jump » avec un certain accent, dangereusement similaire à un « now, jump ».
Revenons toutefois à l’aéronautique. Cette thématique a déjà été discutée par des enthousiastes sur les questions linguistiques. C’est notamment le cas de l’ingénieur américain Kent Jones. Un camarade de classe de sa fille a péri lors d’un crash en 1995 en Colombie, causé par la difficulté du personnel au sol de communiquer en anglais. C’est ainsi qu’il insista envers l’auteur brésilien Gilbert Ledon de publier un lexique aéronautique concis, précis et sans ambiguïté. Pour cela, il était nécessaire de mettre de côté l’anglais pour une laisser place à la langue internationale espéranto.
Ce lexique se nomme « Aviada Terminaro » (Lexique aéronautique), et propose 1 000 termes utilisés dans le secteur aérien, le tout avec une traduction en anglais.
C’est ainsi que taxiway devient cirkul-vojo, airport devient flughaveno ou encore cockpit qui devient pilotejo (littéralement, l’espace des pilotes).
La partie la plus intéressante reste la façon de communiquer entre le personnel naviguant et le personnel au sol. L’inter-compréhension entre les pilotes et la tour de contrôle est fondamentale. Permettez-moi de mentionner le nom des chiffres en espéranto :
- 0 = nul
- 1 = unu
- 2 = du
- 3 = tri
- 4 = kvar
- 5 = kvin
- 6 = ses
- 7 = sep
- 8 = ok
- 9 = naŭ
- 10 = dek
Gilbert Ledon propose de rajouter une finale -o à chacun d’entre eux afin de bien accentuer leur séparation (on se retrouve alors avec nulo, unuo, duo, trio etc).
De plus, il remarque que ses et sep peuvent avoir leurs ambiguïtés en cas de transmission compliquée. C’est ainsi qu’il remplace seso par tri plus tri, qui signifie tout simplement « trois plus trois ».
L’auteur propose ainsi un exemple de communication envoyé par une tour de contrôle à un avion en vol pour indiquer son changement de fréquence pour entamer sa phase d’approche. Voici premièrement la version en anglais :
Olympic two zero six
Paris control
contact Orly approach
one two point eight five
En espéranto, voici le résultat :
Olympic duo nulo tri plus tri
Parizo regado
kontaktas Orly proksimiĝo
Unuo duo komo oko kvino
Je me permet de rajouter que cet ouvrage, publié en 2002, mérite quelques perfectionnements. Selon moi, le fait d’ajouter la finale -o à chaque fin de numéro ralenti considérablement la communication, ce qui mérite d’être pris en compte. D’autres détails méritent également d’être peaufinés. Toutefois, nous ne pouvons qu’admirer l’étendue de son travail de plus de 250 pages qui aborde vigoureusement le sujet.
La Ligue internationale des radioamateurs espérantistes (ILERA) dépasse la théorie en utilisant l’espéranto pour ses radiocommunications, revendiquant plus de 10 000 échanges. Pour leurs communications radios, ceux-ci utilisent l’alphabet radiophonique international adapté à l’espéranto. Voici à quoi elle devrait ressembler :
- Alfa
- Bravo
- Cedro
- Delta
- Fokstrot
- Golf
- Hotel
- India
- Juljiet
- Kilo
- Lima
- Majk
- Novembro
- Oktobro
- Papa
- Kuo
- Romeo
- Siera
- Tango
- Uniform
- Viktor
- Ikso
- Ipsilono
- Zulu
Concernant la numérotation, il ont décidé de ne pas suivre les recommandations de Gilbert Ledon en n’ajoutant pas de finales -o. Toutefois, « sep » devient « sepen » (qui a été ajouté à la dernière version du dictionnaire PIV) afin de régler la déjà mentionnée similitude avec « ses » .
Comme nous pouvons le voir, des personnes considèrent réellement l’idée d’utiliser l’espéranto pour les communications radiophoniques.
Toutefois, voir un changement de pratiques dans ce secteur reste très improbable dans les années à venir. En effet, le secteur aérien est l’un des secteurs les plus touché par le tout-anglais (si ce n’est le plus touché !), au profit des pays anglophones et de ceux qui font de l’apprentissage de l’anglais une réelle industrie. De plus, réformer ce secteur rigidifié par des milliers de normes est une tache assez audacieuse.
Il serait nécessaire de lever ce débat dans les lobbys aéronautiques et les syndicats de pilotes afin de prendre cette option en réelle considération.